Ça ne va pas fort pour Ubisoft en ce moment, puisque l’entreprise et au centre de plusieurs affaires dont se serait sans doute bien passée la firme. Suite à une enquête menée par les journalistes de Libération, Ubisoft en prend pour son grade avec le portrait d’une entreprise où le harcèlement n’est pas correctement puni et où certains cadres profitent de leur statut pour avoir des comportements inadmissibles envers des employés.
Après le départ d’Ashraf Ismail, directeur créatif sur Assassin’s Creed Valhalla pour une histoire d’infidélité, libération s’est intéressé à une autre facette d’Ubisoft. Celle qui concerne les témoignages de harcèlement sexuel au sein de l’entreprise et le journal très réputé n’a visiblement pas trop eu de mal à trouver des employés ou ex-employés pour témoigner de manière anonyme sur les agissements de certains responsables du studio Français. En particulier Tommy François, vice-président de la ligne éditorial du studio, qui est souvent au centre de ces témoignages.
Tommy François est un franco-américain qui travaille chez Ubisoft depuis de longues années maintenant. Il travaille en relation directe avec le directeur créatif d’Ubisoft, Serge Hascoët. Ce serait d’ailleurs grâce à cette relation que le monsieur n’aurait pas été inquiété jusqu’à présent. Dans l’enquête, Tommy François est dépeint comme un cadre qui veut se faire passer pour un manager « cool » pouvant faire des batailles de pistolet à eau dans l’open space, puis de redresser avec sérieux, un projet à la dérive grâce aux directives de Serge Hascoët. Mais les témoignages, dépeignent également une autre facette de sa personnalité. Avec un profil assez particulier qui aurait tendance à faire des blagues graveleuses notamment envers les femmes employées par l’entreprise. Un témoignage mentionne l’histoire d’une employée venant en robe durant un été et où Tommy François se serait alors exclamé à haute voix : « Ah, excusez-moi, il faut que j’aille me masturber ! ».
De même pour une autre employée ayant opté pour une jupe, de lui suggérer de faire le poirier. Des allusions déplacées, mais qui n’auront pas d’incidence sur sa carrière. Tommy François ferait d’ailleurs partie d’une sorte de bande composée de plusieurs autres collaborateurs masculins et surnommée le « Boy’s Club ». C’est avec cette bande que Tommy aurait eu d’autres comportements toujours plus déplacés. Cela commence avec une employée venant d’arriver dans l’entreprise, qui raconte que Tommy venait fréquemment s’assoir près d’elle pour lui faire des avances, pire encore, lors d’une soirée entre collègues où le cadre l’aurait « coincé au bar », avant que d’autres collègues ne viennent la sortir de là.
À la soirée de Noël 2015, le pire est atteint lorsque Tommy François avec l’aide d’autres personnes employées par l’entreprise, aurait tenté d’embrasser de force une collaboratrice maintenue par d’autres, avant que cette dernière ne réussisse à s’enfuir. Une véritable agression sexuelle pour le coup, mais qui n’inquiétera pas le monsieur puisque « tout le monde l’a protégé« .
Tommy François n’est cependant pas le seul qui est pointé du doigt, puisqu’un certain M.B, un ancien assistant de direction de Serge Hascoët, a lui aussi quelques griefs à son sujet. Un homme qui d’après les témoignages aurait eu une « une proximité malsaine » avec ses homologues féminines. Allant parfois jusqu’à leur demander :
Quand est-ce qu’on fait l’amour ? Dans quelle salle de réunion ? Où est-ce que c’est planifié dans ton agenda ?
Un homme proche de Tommy François qui aurait fait vivre un véritable calvaire à son assistante, allant même jusqu’à la menacer physiquement avec un petit couteau. Malgré l’insistance d’autres collègues pour tenter de défendre ce fameux M.B, ce dernier aurait quand même été déplacé au service Production du studio, à Paris avant de quitter la boîte en 2008. Mais ce serait bien le seul finalement. Car les ressources humaines n’auraient « rien fait » selon d’autres témoignages. La RH protégerait même les « talents » du studio comme Tommy François pour éviter de les perdre selon le récit d’une employée dans cette enquête.
Ainsi les plus gros même s’ils sont problématiques, ne seraient que transférés vers d’autres structures d’Ubisoft et les plus petits, finiraient par quitter de leur propre chef l’entreprise, avec une rupture conventionnelle, des indemnités et un accord de confidentialité. Empêchant les victimes de harcèlement de pouvoir s’exprimer librement ensuite, sur les agissements de certaines personnes chez Ubisoft.
Suite à cette enquête Ubisoft a envoyé un communiqué pour s’exprimer à ce sujet en indiquant :
Les récentes allégations ont clairement mis en évidence que nous devons faire plus en tant qu’entreprise pour que nos employés se sentent respectés, en sécurité et responsabilisés sur le lieu de travail. Dès qu’elle a été informée de ces allégations, la société a lancé une enquête approfondie menée par un consultant externe. Cette enquête est en cours, et nous prendrons rapidement les mesures appropriées en fonction de ses résultats. Nous prendrons également des mesures importantes et concrètes pour améliorer la culture d’Ubisoft. Nous le ferons dans la plus grande transparence, et nous prévoyons de communiquer les mesures prises et les changements apportés au fur et à mesure de leur mise en œuvre dans les jours et les semaines à venir.
Au départ, le studio n’avait pris aucune mesure disciplinaire concernant les cadres pointés du doigt à travers ce long billet de Libération. Cependant les choses ont évolué depuis quelques jours, on apprend qu’un cadre de Toronto (Maxime Béland) a décidé de « démissionner avec effet immédiat », l’enquête se poursuit néanmoins le concernant. Un autre PDG à Paris a quant à lui été « placé en mise à pied conservatoire, dans l’attente des conclusions de l’enquête le concernant », il s’agit de Tommy François selon un communiqué publié par l’éditeur tard dans la nuit. Un autre employé du studio de Toronto a, pour sa part, été licencié « pour avoir eu des comportements allant à l’encontre de ce qu’Ubisoft attend de ses collaborateurs ». Les enquêtes vont d’ailleurs se poursuivre avec « toute la rigueur nécessaire » selon le PDG d’Ubisoft.
Une série de sanctions qui interviennent, après que Yves Guillemot ait publié une lettre s’adressant aux employés dans laquelle ce dernier prétendait que la structure de l’entreprise allait changer de manière radicale.
Nous ne visons pas des ajustements à la marge. Ce que nous voulons mettre en œuvre est un changement structurel au sein d’Ubisoft, en totale adéquation avec nos valeurs qui ne tolèrent aucun comportement toxique et veillent à ce que chacun se sente en sécurité pour s’exprimer